La présence de pesticides reste massive dans les cours d'eau français malgré de récents progrès dans les zones de captage les plus à risques, indique jeudi un rapport de l'UFC-Que Choisir, qui souhaite que les agriculteurs paient pour la dépollution d'eau potable.

"Plus de deux millions de consommateurs reçoivent une eau qui, malgré les traitements, est polluée en pesticides ou en nitrates", indique le rapport en soulignant néanmoins que 95,6% des consommateurs français reçoivent une eau du robinet "de très bonne qualité et conforme à l'ensemble des paramètres sanitaires".

Les pesticides, détectés dans 5% des réseaux de distribution (2.271 communes concernées) constituent la première cause de non conformité de l'eau distribuée: les zones les plus touchées sont les régions d'agriculture intensive au sud de Paris, le nord et une partie du sud-ouest.

 

Viennent ensuite les nitrates, présents dans 0,8% des réseaux (370 communes), surtout dans l'ouest, et touchant l'eau distribuée à plus de 200.000 consommateurs.

En troisième place figurent les contaminations bactériennes retrouvées dans 0,7% des réseaux d'eau potable, soit 253 communes (215.000 personnes).

En quatrième place, est relevée une pollution d'origine naturelle, l'arsenic, surtout dans le centre de la France, qui touche 0,4% des réseaux (154 communes, 38.000 consommateurs).

Alors que les pollutions à l'ammoniac et aux phosphates ont chuté en près de 20 ans, l'association regrette que le recul des pesticides et des nitrates soit beaucoup plus modéré.

- "Baisse très significative" des pollutions -

L'UFC déplore qu'aucun bilan national mesurant l'impact des deux lois sur l'eau de 1992 et 2006 sur la protection des captages de sources d'eau contre les pollutions agricoles n'ait été établi.

 

Sa propre étude, menée sur 81 captages dits prioritaires-où les agriculteurs sont sous pression pour moins polluer, montre une baisse "très significative" des pollutions "pour près des deux tiers des captages étudiés", a indiqué Olivier Andrault, responsable de l'association.

"Pour les nitrates, sur 71 captages, on a des baisses dans deux cas sur trois, c'est très encourageant" a-t-il estimé.

L'étude n'a pas porté sur l'herbicide décrié glyphosate. Pour les pesticides en général, l'évolution est "très positive aussi".

Le principal syndicat agricole FNSEA s'est félicité de ces progrès en appelant à "poursuivre le travail pour l'accentuer", tout en soulignant que le changement des techniques agricoles avait un impact économique fort sur les coûts d'exploitation des fermes.

L'UFC Que Choisir a regretté de son côté que les rares mesures prises reposent surtout sur "le volontariat des agriculteurs", les préfets ou les chambres d'agriculture "n'ayant pas voulu imposer à la profession agricole des dispositions, qui, en limitant les apports d'engrais et de produits phytosanitaires risquaient de limiter" les rendements agricoles.

 

"La pollution de l'eau brute en France est très largement le fait des pratiques agricoles intensives, plus personne ne peut le contester" a ajouté Robert Mondot, de l'UFC Choisir. "On est confronté à une situation où une grosse partie de nos masses d'eau sont polluées par des phytosanitaires ou des nitrates, et de l'autre ceux qui ont créé cette situation ne l'assument pas financièrement" a-t-il dit.

- Mise en œuvre du "pollueur-payeur" -

Outre le développement de l'agriculture biologique moins polluante, l'UFC-que Choisir demande aussi la "mise en oeuvre stricte du principe pollueur-payeur".

Citant le Commissariat général au développement durable, l'UFC affirme en effet que les pollutions agricoles génèrent sur la facture d'eau des consommateurs des dépenses supplémentaires annuelles comprises entre 750 millions et 1,3 milliard d'euros par an: une politique de traitement des pollutions "coûteuse, injuste et imparfaite sur le plan sanitaire".

 

Avant la deuxième partie des Assises de l'eau qui démarre le 10 avril, UFC Que Choisir souligne qu'il revient moins cher de prévenir la pollution en amont en aidant financièrement les agriculteurs que de dépolluer en aval.

"L'enjeu c'est de préserver une eau de qualité, mais c'est un peu facile de tomber sur les agriculteurs quand on a abandonné tous les captages d'eau en zone urbaine trop polluée" a réagi Christian Durlin, de la FNSEA.

"La qualité de l'eau c'est un enjeu global, nous voulons bien prendre à notre charge une partie de l'évolution des pratiques agricoles plus vertueuses, car l'Etat n'apporte pas suffisamment d'accompagenement, mais c'est trop facile de nous dire de nous débrouiller tout seuls" a-t-il estimé.

 PARIS AFP